- Arte était née dans une famille de sang-pur, stricte et exigeante, mais indéniablement aimante.

- Arte était la fille, la petite dernière, la chouchoutée, la petite princesse. Et puis Solvej est née et a prit sa place. Elle n’a pas compris pourquoi, elle l’a mal vécu et son monde a connu sa première fracture.

- Arte essayait d’attirer à nouveau l’attention de sa famille. Elle réclamait après des jeux et des câlins. Elle faisait tout bien pour obtenir des félicitations. Elle faisait des bêtises pour attirer l’attention. Elle s’inventait des maux pour qu’on fasse attention à elle.

- Arte tentait de réconforter sa meilleure amie qui pleurait en lui racontant les attouchements que son oncle lui infligeait. En tant qu’enfant elle ne savait pas trop quoi faire, mais elle faisait de son mieux. Et à force d’être suppliée, trop heureuse que quelqu’un compte sur elle et trop terrifiée à l’idée que Kristen la laisse, elle avait promit de ne jamais en parler à personne.

- Arte observait sa petite sœur faire des éclats de magie, provoquer des catastrophes. Elle regardait ses parents faire sceller toute cette magie et faire promettre à leurs enfants de ne rien dire à leur petite sœur. Un morceau d’elle se demandait si c’était une bonne idée. Un autre morceau se réjouissait de voir sa puissante petite sœur devenir faible. Le troisième, le plus gros, voulait hurler d’injustice de voir qu’une fois encore c’était Solvej qui était au centre de tout.

- Arte invitait sa meilleure amie chez elle autant de fois qu’elle le pouvait. Souvent lorsque son oncle était là. Elle faisait ce qu’elle pouvait pour la protéger tout en gardant le silence. Elle était l’oreille attentive à tous ses malheurs, ses mal être, son dégoût d’elle-même, sa honte, sa douleur. Arte la laissait tout déverser sur elle et elle en devenait le récipient.

- Arte était le bouclier de Kristen à Freyas Evige. Un bouclier de chair qui empêchait les autres de la toucher, un bouclier de mots qui rassurait ses angoisses et éloignait les indésirables, un bouclier émotionnel qui l’empêchait de s’effondrer. Et Arte s’épanouissait dans ce rôle, parce qu’elle aimait et était aimée, parce qu’elle était importante.

- Arte se tenait habillée en noir devant une tombe, celle de sa meilleure amie. Kristen avait finalement craquée. Elle n’avait pu tenir plus et avait abandonné. Elle n’avait rien dit avant de partir, laissant sa famille et ses proches dans l’incompréhension la plus totale. Mais elle, elle savait. Elle savait et elle s’était tue, comme elle l’avait promit. En un sens, c’était elle qui avait tué Kristen. Et son monde se fractura une deuxième fois.

- Arte était bouffée par la culpabilité, enfermée dans le silence et la distance, dégoûtée par son reflet dans le miroir. Elle voulait appeler à l’aide et demander pardon, mais elle fermait sa gueule sauf pour être agressive. On mit ça sur le dos de l’adolescence et le deuil. Elle se montra rancunière envers ses parents, jalouse et dédaigneuse envers Etta, distance envers Abel. Elle se raccrocha de toutes ses maigres forces à Venzel.

- Arte cachait son visage dégoûtant sous du maquillage, sous des teintures, puis sous la chirurgie. Elle devenait un mouton noir. Elle fit tout pour se mentir, pour ne pas s’effondrer davantage, elle se fit passer pour quelqu’un qu’elle n’était pas. Pas totalement. Elle ne tissait plus d’amitié sincère ou durable et en même temps crevait d’envie d’être à nouveau importante pour quelqu’un.

- Arte tombait amoureuse, de la même façon qu’on tombait d’une chaise. De façon inattendue, brutale, directe, et douloureuse. Comme une désespérée, elle s’investissait dans ce sentiment si merveilleux, et finissait par en souffrir. Elle devenait cette fille facile qui ne disait pas non dès qu’on lui donnait de l’amour. Elle devenait cette salope qui couchait avec tout le monde, qui piquait les mecs des autres, puis se faisait abandonner.

- Arte se tenait au bord d’un gouffre auquel elle tournait résolument le dos.