Il lui arrivait de se rendre dans la ville moldue afin de chercher quelques petites babioles à ramener chez lui. Les vacances approchaient à très grands pas et Thomas n’avait toujours rien à rapporter au Québec pour sa mère, sa petite sœur et la famille de Grégoire. Alors, décidant de se mettre lui-même un coup de pied aux fesses, le français lâcha ses livres et des prototype d’armes magiques puis sorti de l’école pour faire son chemin vers le cœur de Romo.

Il n’avait pas trop l’occasion d’y traîner autrement mais il appréciait toujours l’ambiance qui y régnait. Ses cheveux arrangés en deux tresses reliées dans sa nuque, il ne souffrait pas du vent qui soufflait fort, dérangeant les chevelures lâchées de certaines personnes. Un sourire fin passa les lèvres de Thomas. Ce n’était pas une moquerie, loin de là. Juste l’expression d’un sentiment de bien-être qu’il n’avait pas trop l’occasion de laisser s’évader autrement.

Après avoir fait quelques boutiques, le français commençait à perdre espoir de trouver quelque chose à ramener avec lui. Il aurait souhaité quelque chose d’original mais… comment faire ? Il n’était pas très au fait de ce que pouvait aimer les gens ou de la mode des présents. C’était une tâche dont il avait largement sous-estimé la difficulté, semblait-il.

Le vent le fait frissonner mais ça ne l'empêche pas de se balader gaiement, sa veste grande ouverte sur un pull à col roulé. Qui aurait cru un jour que l'australien puisse porter des trucs pareils ? Alors oui, la chaleur de l'Australie lui manque parfois beaucoup, mais pas autant que le surf. Disons qu'ici, au Danemark, il n'y a pas de grandes déferlantes. Enfin, pas s'il s'en mêle avec un peu de magie. Mais l'eau est froide quand même.

Et tout un chacun sait pourtant bien qu'Ezra n'excelle pas dans les sortilèges. Ni dans les trucs trop théoriques. C'est le prototype même du disciple de Thor.

Mais qu'à cela ne tienne, Ezra est bien trop curieux de ce pays pour se morfondre dans son coin, qu'il neige ou qu'il vente. Et même si ça fait quatre ans qu'il est là, il découvre et redécouvre la ville de Rømø. Et pour découvrir une ville, quoi de mieux que d'en goûter la cuisine ?

C'est donc avec une bonne tranche de Sol over Gudhjem qu'il arpente les rues, notre petit australien insouciant.
Il a les yeux partout, s'arrête devant presque toutes les vitrines et achète un peu près toute la bouffe qu'il voit. Puisque sa sœur n'a pas voulu l'accompagner, il lui ramènerait de quoi manger avant le départ. Enfin, lui il ne fera pas parti du voyage mais peu importe.

Et là, au détour de la rue, alors qu'il finit d'engloutir sa collation, il aperçoit une tignasse bien familière. Un large sourire de chat étire ses lèvres et il ne lui en faut pas plus pour se faufiler entre les passants pour surgir derrière sa cible. Il bondit sur le dos de sa pauvre victime, entourant ses épaules de ses bras.

« Thomaaaaaaaaaas ! »

Il le libère bien vite avant de se prendre des coups, et se glisse devant lui, tout sourire ; comme un gosse qui aurait retrouvé son camarade de jeu.

« J'ai failli pas te reconnaître, bro. J'savais pas que tu connaissais le monde extérieur. Incroyable. » Il lui donne une tape sur le bras en riant. Sans modération. « Qu'est-ce que tu fais là ? T'aurais du m'dire que tu voulais venir, on serait parti ensemble, bro ! »

Sa mine devient sérieuse et l'australien regarde autour d'eux, les yeux légèrement plissés, sourcils froncés. Il porte sa main à son menton, songeur, avant de reposer son regard sur son meilleur ami.

« A moins que t'avais rendez-vous avec une fille ? HEIN, CACHOTTIER. »

Plusieurs émotions se sont succédé dans les veines de Thomas. Le coup de flippe, déjà, parce qu’il ne s’attendait pas à se faire alpagué de la sorte. Vint ensuite l’agacement prodigieux qu’il ressentait toujours en compagnie de Ezra ou de Candide. Et enfin… Bref. Trop de choses en trop peu de temps. Thomas soupira d’ennui devant cette interruption de sa propre quête. Son premier réflexe, autre que rougir de par les insinuations plus que douteuses – et qui, au fond, n’étaient même pas des insinuations, à bien y regarder… - fut de coller une main sur la bouche d’Ezra pour le faire taire –d’une part- et …. « Commence déjà par t’éloigner de moi, ton haleine de poisson va me faire tourner de l’œil, à force. »

Il exagérait et c’était volontaire. Son tempérament calme et studieux était en parfaite contradiction avec celui de l’Australien. Souvent, il faisait un peu l’amalgame entre eux deux et les personnages des films Marvel traitant de Loki et Thor à la sauce Hollywoodienne. Rien à voir avec l’authenticité de leurs classes respectives mais un rapprochement n’était pas à exclure étant donné le caractère affreusement intrusif du Thor susnommé – et dire que sa petite sœur l’avait forcé à voir l’intégralité des films… - et les points communs qu’il y voyait avec Ezra. En même temps, le Loki de Marvel était tout de même un génie. Toujours perdant de par les nécessité de scénario, certes. Mais un génie quand même. Oui, Thomas essayait de voir le positif partout. De temps en temps. Une fois par siècle, en fait.

« Je n’attends personne et je n’attendais personne. » Histoire qu’il comprenne son intrusion. « Je cherche… quelque chose. C’est tout. Rien d’extraordinaire pour que tu t’attardes dessus. » En vérité, il se voyait mal avouer être en telle panne d’inspiration… Il avait sa fierté, tout de même !

Ezra s'attendait à un bon coup dans la tête mais son meilleur ami se contente de poser sa main sur sa bouche. Avant de justifier la raison de son geste. Ce à quoi Ezra répond pas un mouvement langoureux des sourcils que l'on pourrait traduire par « petit coquinou va ». L'australien se fait finalement libérer mais ne peut se défausser d'un large sourire entendu.

« Je n’attends personne et je n’attendais personne. »
« C'est ce qu'ils disent tous quand ils se font prendre la main dans le sac. »
« Je cherche… quelque chose. C’est tout. Rien d’extraordinaire pour que tu t’attardes dessus. » 
« Des capotes ? »

Ezra sautille en arrière avant de se prendre un coup, riant déjà à sa blague de très mauvais goût. Bon, en même temps, avec Thomas, c'est trop facile. Pas trop cool en tant que meilleur ami mais il se rattrape quand il faut. Mais il a pas vraiment le temps de se défendre par une pirouette ou une excuse toute trouvée que, coup du destin -à moins que ce soit le karma de Thomas qui soit bien moisi, ce qui serait pas vraiment surprenant en soit- le français se fait bousculer par quelqu'un.

Ezra sourit déjà comme un chat devant une boîte de thon qu'on ouvre et se penche sur le côté. Il savait bien que son meilleur ami avait un rendez-vous gal-ah bah non.

« Thomas, j’étais perdue, j’avais tellement peur, j’ai fait trois fois le tour du quartier je trouvais pas la sortie j’ai cru que j’allais mourir ici et congelée !! …AHHH PARDON TU VAS BIEN ? JE T’AI PAS FAIT MAL ? »

Ezra cligne des yeux face au discours -non-stop- de leur amie avant d'éclater d'un rire tellement spontané qu'il en fait sursauter une pauvre dame qui passe là avec sa canne. Il se calme assez rapidement, croisant alors le regard de leur amie française. Et ça fait la montagne russe avec son petit coeur. Il affiche un grand sourire idiot, son sourire à lui ; celui dont il ne se sépare jamais, comme un masque greffé au visage.

« Ezra ? Ezra… Thomas… oh, je vous dérange ! Désolée ! Vous pourriez m’indiquer, euh la route vers l’école… ? »

Nouvel éclat de rire qui ne manque pas de faire s'étouffer l'australien. Après quelques coups contre son torse, il vient se faufiler entre ses deux compères, entourant leurs épaules de ses bras tout en les rapprochant de lui.

« Dis donc tous les deux, il fallait m'le dire que vous vous fréquentiez dans ce sens là. » Clin d'oeil à Thomas. « Tu mens à ton bro, tu me fends le coeur. » Regard de chien battu à Candide. « J'suis jaloux. »

Ezra les libère en lâchant un nouveau rire, leur tournant le dos de manière -trop- théâtrale, faisant mine de s'éloigner. Avant de reculer pour les retrouver ; aussitôt parti, aussitôt revenu. Increvable. Il entoure de nouveau les épaules de Candide avec son bras, laissant sa main libre rejoindre la poche de sa propre veste. Ezra sait pourtant que leurs retrouvailles n'est qu'un hasard mais, en même temps, il ne peut pas s'empêcher de penser que Candide aurait tout aussi bien pu retrouver un autre gars. Et, au fond de lui, ça l'agace. Même s'il continue à jouer à l'abruti.

« Reste là Candide, tu vas pouvoir m'aider à chercher un truc extraordinaire pour la copine secrète de Thomas. Tu comprends, il sait pas quoi acheter. J'me suis naturellement dévoué, dans ma grande générosité, à lui venir en aide. Mais comme j'suis une quille en cadeau de fille, tu seras ma carte joker. Deal ?  »